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5 avril 2009 7 05 /04 /avril /2009 18:15
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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 12:00

 


                                                  

 

          Au-delà du Bosphore est  le récit condensé d'un voyage de plus de vingt-deux mille kilomètres au travers l'Europe et l'Asie.
       Les années 1966-1968 ont apporté à la jeunesse de l'époque un certain rejet de la société. Une frénésie de révolution et de liberté planait sur nos têtes. Ivres d'indépendance et de découvertes, de nombreux jeunes rêvaient de voir d'autres horizons où la société serait meilleure. C'est ainsi que sont nées les communautés hippies qui prêchaient le retour aux sources, soit en élevant des moutons dans les Causses, soit en "réinventant" l'artisanat dans des villages en ruine du centre de la France. D'autres furent attirés par les pays d'Orient tel que l'Inde et le Népal. Je fus un de ceux-là sans l'avoir pourtant entièrement prémédité. Des circonstances successives et la ferveur de mes dix-sept ans m'ont permis d'accomplir cette extraordinaire Aventure avec seulement deux cent cinquante francs (38€) en poche jusqu'à New-Delhi!
        Ce récit est plutôt un journal de route. Il me permettra de conserver un grand nombre de détails et de faire partager ce qui a marqué ma vie pour toujours.
 


* Photo Istanbul 1968

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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 11:50
  





J U I N  1968

  Je viens tout juste d'avoir 17 ans. Depuis le début de ce mois, Dominique et Gérard, des amis de Paris font route pour les Indes. Rudy et Gilbert, des copains de l'été dernier, s'apprêtent à faire de même.
  Je travaille comme apprenti magasinier auto chez Citroën. Alors que mon chef m'envoie faire une course en ville avec le vélo de coursier, j'ai la joie de rencontrer mes deux compagnons postés à la sortie de Montargis au niveau de la R.N. 7. Ils font de l'auto-stop en direction de la capitale. Coup de patins, je m'arrête et leur demande.
-  Où allez-vous dans ce sens ?  
- Aux Indes ! Mais avant, nous avons à faire à Paris.>> Et, profitant de ma présence.
- peux-tu aller nous chercher un paquet de gauloises ?
Je les sais tout au début d'une très longue et grande aventure. J'y apporte avec plaisir ma toute petite contribution.

____________________


  A la dernière décade de ce mois, je décide avec Jean-Marie mon copain de toujours et avec l'accord de mes parents de rejoindre en auto-stop, Gilles Mérigon. Il est en vacances à Andorra-la-vieille, dans la principauté d'Andorre. Nous filerons ensuite sur Istanbul, but inavoué de mon voyage. Mon contrat d'apprentissage se termine dans une semaine. Jean-Marie, impatient d'attendre jusque là, prend l'initiative de partir en avance. Le lieu de rendez-vous est fixé au camping d'Andorra.


S T O P   S U D - O U E S T


- 30 JUIN 1968 :
  Je fais mes bagages en même temps que ceux de ma mère et de ma soeur Rachel qui partent en colonie de vacances du côté de Salbris dans le Loir-et-Cher. Maman y va comme cuisinière, Rachel comme pensionnaire. C'est mon père qui nous y conduit en voiture. Mes deux autres soeurs, Régine et Rose, nous accompagnent. Dans la cours de la colo, j'aide mon père à retirer les bagages du coffre. Papa, toujours pressé de rentrer, donne l'ordre de repartir. N'ayant pas dévoilé ma véritable intention, c'est avec émotion que je fais mes adieux à ma mère et à ma soeur.
  A environ trois kilomètres de la colonie, mon père me descend à l'orée d'un petit bois que je lui désigne et qui borde la nationale. Je vais planter ma tente à cet endroit pour être prêt demain matin à prendre la direction de Vierzon. Les portières claquent. Les mains s'agitent. Je regarde s'éloigner la voiture  à perte de vue.
  Il est vingt heures. A cet instant, seul avec mon sac à dos, ma tente canadienne et mes deux cent cinquante francs en poche, je suis prêt pour la belle Aventure. Istanbul est au bout de la nationale. A cet instant, je suis loin de penser qu'elle me mènera bien au-delà du Bosphore.

  Le soleil darde déjà ses rayons au-dessus de la forêt lorsque je lève le pouce. Très vite, une voiture s'arrête pour Châteauroux. En cours de route, le chauffeur à la gentillesse de m'offrir un café au lait avec croissants frais et me dépose à l'entrée de la ville. Continuant mon chemin, j'atteins Limoges que je traverse à pieds. A midi, j'aborde la Corrèze avec un gars de Barlin, le petit village minier du Pas-de-Calais où j'ai passé les vacances de l'année précédente chez la grand-mère de Jean-Marie. Au faîte d'une côte nous crevons. Une 404 blanche de la prévention routière offre son aide. Tout va très vite. Le département du Lot est laissé derrière nous avec Brive et Cahors où les poils de mes bras blanchissent et se rétractent sous la chaleur.



    A Montauban, deux motards arrêtent la 4 cv qui me conduit à Toulouse. Le contrôle d'identité achevé, la voiture se gare un peu plus loin dans un chemin. C'est l'heure du casse-croûte. Les deux gars de l'auto partagent leur unique camembert. Déposé à l'entrée de la grande agglomération, je rejoins la route de Foix en traversant à pied une grande partie de la ville. Vers vingt-trois heures, je suis dans un petit village de l'autre côté de Pamiers. Les gens, assis sur le pas de leur porte, parlent avec un fort accent. Au virage de la sortie, je trouve un pré pentu. J'y monte non sans difficulté ma tente et casse une croûte bien méritée.
 
 
 C'est aux pieds des Pyrénées que s'achève la première journée de ce voyage. J'ai parcouru huit cents kilomètres en six voitures. Je n'en reviens pas. D'ailleurs beaucoup plus tard, j'ai appris que Jean-Marie avait mis trois jours pour les effectuer.



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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 11:40






A N D O R R A



Le lendemain, une petite famille me conduit en Andorre. La voiture prend la direction de la principauté en passant par la crête de l'Hospitalet perchée à 1436 m d'altitude. Là haut, c'est la fraîcheur. Quelques nappes de neige persistent encore. Nous descendons de voiture et courons rejoindre les plaques en sautant les rigoles. Après une série photos, nous repartons pour le sommet où se dresse une grande antenne émettrice de télévision.


 A la station service, des automobilistes s'empressent de faire le plein. Le prix du carburant est intéressant et mon chauffeur en profite également. Un vent frais souffle en permanence. D'ailleurs au moment de payer son dû, un type sort plusieurs billets de son portefeuille dont un de cinq francs. Brusquement, il lui échappe des mains. Le vent l'emporte, il veut le rattraper mais en vain, il doit s'arrêter net. Le billet prend la poudre d'escampette pour atterrir-je ne sais où dans la vallée. Souriant, mais un peu vexé, il en ressort un autre. La descente en lacets de Soldeu, Canillo et Encamp, s'effectue sur trente-cinq kilomètres. Nous passons sous la station de radio Andorre qui enjambe la route. 


                    

   Les boutiques et supermarchés d'Andorra-la-vieille, réputés très bon marché, attirent une multitude de touristes. Il y a foule dans la rue principale. En ce qui me concerne, j'ai hâte de trouver le camping. Le terrain est situé au bord du torrent.

 











 
    Discrètement,sans me faire remarquer du gardien, je pénètre à l'intérieur et recherche mes copains. Personne, connaissant Jean-Marie, il s'est sûrement installé avec Gilles à l'extérieur du camp. J'angoisse qu'en même un peu. Seraient-ils partis sans moi? Je vais patienter jusqu'à demain et je dresse mon campement à flan de montagne tout près d'un ru d'eau claire. Je suis un peu déçu de ne pas les avoir trouvé. J'ai tellement misé sur ce voyage. Malgré tout, j'ai la satisfaction d'assister à un magnifique couché de soleil qui embrase la vallée.


  
 
Sortant de la tente la tête ébouriffée, je me secoue un peu, m'asperge d'eau, me donne un coup de peigne et redescends au pays. Je tourne et vire partout dans Andorra. En fin de matinée, j'en suis au même point que la veille, pas de Jean-Marie ni de Gilles. Je continuerai à les chercher ce soir après la grosse chaleur. En attendant, je vais écrire une carte à ma mère et me laver la tête dans l'eau glacée.
 
Je reprends mes investigations mais je me rends bien vite à l'évidence: ils ne sont plus là. Ne voulant pas rester sur cet échec, je prends l'initiative de partir quand même pour Istanbul. Sous ma tente, je consulte ma carte. Dehors l'orage claque avec échos, mais il ne pleut pas.


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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 11:30



 

 S T O P  CÔT E - D ' A Z U R


  Vers dix heures, une 4L me ramène au pied de l'Hospitalet. Les douaniers me fouillent comme un contrebandier retournant mon sac à dos sans ménagement. De la frontière, je descends trois kilomètres à pieds pour rejoindre la route de Font-Romeu et du col du Puymorens.

  Dans la journée, je traverse Olette, Prades et Millas.





 




      La capitale catalane est atteinte en fin de soirée. Il est temps de trouver un endroit pour monter la tente. Prenant la direction de Narbonne depuis le centre ville, je m'arrête à hauteur d'un banc où deux auto-stoppeurs se désaltèrent en buvant un berlingot de lait. Le noir est anglais, l'autre est américain. Tout comme moi, ils viennent de se rencontrer là. L'américain, qui a la trentaine, termine un tour du monde. Sur sa carte dépliée, il nous montre un trajet tracé au crayon. Moi aussi je suis le mien! Seulement, il n'est pas encore significatif. Après quelques minutes de repos, l'anglais choisit de poursuivre le stop tandis que l'américain m'accompagne. Nous longeons un bon moment l'aéroport avant de découvrir un endroit favorable. La toile est piquée dans un champ d'oignons qu'apprécie mon compagnon. J'ai repéré un verger de pruniers de l'autre côté de la chaussée. La nuit tombée, nous y tentons une irruption, juste le temps d'y remplir nos chemises.


  A l'aube, nos sacs sont déjà bouclés. Comme l'amerloc se dirige vers Nice, nous ferons route ensemble. Ce n'est pas un statique. La journée commence par une marche menée à une cadence d'enfer. J'ai affaire à un pro et au bout de quelques bornes, je suis sur les rotules. Les lanières de mon sac me découpent les épaules et je suis contraint de m'arrêter assez souvent pour me les soulager. L'autre a déjà pris une bonne avance ce qui l'oblige à m'attendre. Je n'ai pas le temps de me reposer qu'il repart et creuse un nouvel écart. Contraint de s'arrêter une nouvelle fois, je le rattrape et m'écroule sous mon fardeau bien décidé d'en rester là. Depuis le départ, nous venons de parcourir au moins six kilomètres et mon gaillard est encore tout aussi frais.
   J'ai peine à reprendre haleine. Tout en levant le pouce, je le regarde s'éloigner marchant avec la même aisance. Une voiture stoppe, c'est une Alpha Roméo décapotable. Le gars se rend à Nice. Quelle aubaine! Après cette terrible épreuve, je suis récompensé. Un démarrage en trombe et le vent chaud du Languedoc fouette mon visage. Un quart d'heure plus tard, nous dépassons l'américain marchant toujours d'un bon pas.
     La traversée de Narbonne se passe sans problème alors qu'une longue file de voitures nous attend à l'entrée de Béziers. Des marchants de glaces en profitent pour proposer des rafraîchissements. Sorti de ce bouchon en début d'après-midi, l'auto roule maintenant en direction de Montpellier. Soudainement, sans prévenir, c'est la panne. L'Alpha Roméo nous laisse choir et termine la journée dans un garage.

     Restant un peu sur ma faim, je reprends le stop en direction d'Arles. Malgré une longue attente, la chance ne tarde pas à revenir avec une Fiat. Le conducteur, un boucher, me propose de me conduire à St-Tropez. Durant le trajet, la chaleur se fait de plus en plus étouffante. Une pause dans un troquet serait la bienvenue. L'arrêt permettra à la bobine de se refroidir puisqu'elle a tendance à s'échauffer.
Mon lait fraise terminé, nous regagnons la voiture. Rebelote, pour la deuxième fois de la journée, c'est la panne. Ce n'est pas possible! Je dois porter la poisse. Le boucher s'affaire sous le capot et victoire ! L'auto redémarre. Nous reprenons la route pour Salon de Provence, Aix, Toulon, Hyères, et le Lavandou. Une petite faim assaille mon chauffeur qui a la bonne idée de m'inviter dans une pizzeria. Dehors c'est la fête, le grand cirque Amar a monté son chapiteau pour la soirée.
Cette fois-ci, au moment de repartir, la bobine ne veut plus rien savoir. Assis à la terrasse d'un café, face au casino, nous patientons en effectuant de temps en temps un essai. Un type, nous apercevant penchés sous le capot, propose d'aller nous chercher une vieille bobine. Au poil, le moteur redémarre ce qui nous permet d'arriver à bon port un peu plus tard.
       Je salue le boucher et cherche du côté de la mer un coin tranquille pour dormir. Le littoral est bordé de petites criques privées enclavées au fond des falaises. Il est guère possible d'y accéder ce qui m'oblige à m'installer tout en haut, aux pieds des villas.  

  Le lendemain, après Ste-Maxime-sur-mer, St-Raphaël, Fréjus, Cannes, et Antibes, une femme en 404 Peugeot me dépose à l'entrée de Nice. La Promenade des Anglais est immense. Je dois rejoindre la corniche à l'autre extrémité. Le soleil est brûlant. Bientôt de grosses gouttes perlent sur ma jeune peau blême. Quarante-cinq degrés me tapent sur la tête et dix-sept kilos me pèsent sur les épaules. Mes yeux scrutent la plage, elle me parait interminable. Au fur et à mesure que mes jambes flageolent, l'idée qui me trotte dans la tête se clarifie. Larguer la tente, ce serait le meilleur moyen de m'alléger. C'est que cette toile, je l'ai achetée cinquante balles il y a quelques jours. Je ne peux tout de même pas m'en débarrasser comme ça, surtout que cette dépense représentait mon dernier mois de salaire! Soudain, la solution m'apparaît, le fort! Le fort! Oui le fort de Nice! C'est là que mon futur beau-frère est bidasse. Si seulement je pouvais lui faire parvenir. Mais la caserne est bien loin et je suis trop crevé pour m'y rendre. Alors, sur une table de pierre dressée sur un des balcons bordant la promenade et la plage, je dépose la tente. A l'aide d'un morceau de craie, j'écris sur la toile ces quelques mots: <<A remettre au soldat Anger, fort de Nice>> signé <<Régis>> bien lisiblement. Il y a peu de chance qu'elle lui parvienne, mais j'aurai tout du moins tenté quelque chose.

     M'accordant un instant de repos et de réflexion, je reprends la marche le sac à dos bien allégé. Il ne me reste plus qu'une petite couverture américaine qui me laisse dépasser les mollets, la toile de fond de la tente et quelques vêtements. Je grimpe la Grande Corniche par de longs lacets. Là-haut, sur la route de Monaco, plusieurs auto-stoppeurs occupent les meilleures places. Je pousse plus loin pour trouver l'endroit favorable.      
     A dix-huit heures, je roule vers la principauté que je découvre toute illuminée à l'heure du souper. Un peu plus tard, je traverse Menton. Le poste frontière est proche. Je passe sans formalité la douane française alors que le douanier italien me réclame mes papiers ainsi que la somme d'argent dont je dispose. Je lui montre les cent quatre-vingt-quinze francs qui me restent en prétextant un séjour de trois jours à Gènes. Je suis méfiant car je sais pertinemment que la somme est inférieure au minimum demandé pour ne pas être refoulé.
       Au-delà du poste frontière, la route s'engouffre sous la montagne par un tunnel et débouche sur une corniche surplombant la Mer. Il est l'heure de se coucher, un parterre de plantes piquantes fera l'affaire.


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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 11:20

   I T A L I E

- 07 juillet 1968:
Au petit matin, sitôt sorti de mon sommeil, je reprends le stop. Une Fiat fait l'ouverture des dix premiers kilomètres. Bien d'autres par la suite m'achemineront dans les villages de la côte Ligurienne. J'ai même l'honneur d'effectuer un bout de chemin en fourgon Vespa.
Dans la région d'Impéria, je rencontre un français auto-stoppeur. L'accompagnant jusqu'au village voisin, il me dévoile une méthode pour manger à l'oeil. Ce truc marche parfaitement bien, d'ailleurs il le pratique tous les jours.
   Arrivé au pied de l'église, le gaillard me demande de rester à l'extérieur un instant. Il frappe à la porte de la cure et disparaît à l'intérieur un bon moment. Enfin ! le voilà qui en ressort accompagné du prêtre. A sa tête, je perçois la décéption. Effectivement l'homme à la soutane vient de lui refuser l'aumône. Tout cela n'est pas sérieux, mieux vaut laisser tomber et je poursuis seul mon chemin.
    A la hauteur de Savone, après une longue attente à la sortie d'un tunnel, une R16 avec plaque numéralogique rouge immatriculée en France s'arrête. Je cours une bonne cinquantaine de mètres avant de rejoindre la voiture et monte à l'arrière pour me retrouver coincé entre deux filles. Les deux garçons installés à l'avant engagent la conversation en anglais. Le mien est assez rudimentaire, mais je me débrouille. Ce sont des étudiants américains venus jusqu'à Londres en avion. Ils ont parcouru la Hollande, la Belgique et sont descendus à Paris en train. Là, ils ont loué une voiture pour effectuer un tour d'Europe.
C'est dans une ambiance de folk-song que nous laissons Gènes, grande ville portuaire et industrielle. Le jeune chauffeur emprunte l'autostrade pour Milan. Nous abordons la capitale du nord aux environs de minuit.
Pendant plus d'une heure, nous tournons et virons dans la ville noire de Lombardie. Mes américains recherchent un hôtel, lieu de rendez-vous avec un ami. C'est dans une petite rue de la proche banlieue que nous le trouvons. En attendant le retour de mes compagnons de route, je reste seul assis sur le siège arrière. L'attente sera d'assez courte durée. A leur retour, nous repérons un restau bon marché dans un guide touristique.     
   Le torboyau est assez rustique et l'accueil très convenable. Le serveur, en habit, parle parfaitement le français et l'anglais. Sur la carte, je choisis une soupe et des nouilles, il n'y a pas de raison de se gêner puisqu'il me la présente. Je m'en tire pour mille lires (environ huit francs), ce qui n'est pas excessif vu le standing.



  Nous roulons à présent sur Bressia par l'autostrade de Venise. A l'approche de Sulférino, la R16 bifurque sur une route départementale où nous trouvons un terrain de camping. La nuit est fraîche. Les filles couchent dans la voiture, les garçons à même le sol.




 
      Au petit matin, nous filons sur l'autostrade de Castiglione. Sur notre gauche le lac de Garde a ses rives fleuries de milliers de villas. Nous contournons Vérone pour faire notre entrée dans la province du Vénétie où s'étendent de nombreux champs d'olivettes et de beaux vignobles.

     Dès le début de l'après-midi, nous pénétrons dans la ville de Mestre.



    Seule une route et le chemin de fer traversent la lagune qui la sépare de Venise. De chaque côté, sur les eaux scintillantes, des petits bateaux de pêche sont suivis dans leur sillage par une nuée de mouettes en quête de restes.
  Tout au bout, c'est le terminus. Nous laissons la R16 au Grand Garage pour prendre le coche d'eau jusqu'au coeur de la citée. De nombreux ponts pittoresques passent au-dessus de nos têtes. Notre bateau croise une multitude de gondoles de tous genres.
    C'est sur une minuscule plazza que nous trouvons un hôtel disponible. A trois mille lires la nuit, je fais un sacré trou dans ma bourse. Ca commence mal. Bien entendu pas question de prendre la pension, je me débrouillerai comme d'habitude avec des sandwichs.
La journée est réservée à la visite de la place Saint-Marc et sa basilique. Des centaines de pigeons en quête de mies de pain virevoltent autour des touristes. En face de la place, on aperçoit le Lido, un des plus beaux îlots de Venise où circulent avec intensité bateaux et gondoles. J'aimerai bien m'y rendre, mais je me garde bien de limiter mes frais et me contente de l'admirer de loin.
      Aux quatre coins de Saint-Marc, des peintres esquissent les innombrables beautés de cet endroit. Les tableaux sont exposés sur des chevalets bien en vue des badauds. Sûrement un touriste américain ou allemand les achètera à bon prix. De chics restaurants font terrasses à même le pavé. Il y est de mode d'écouter des musiciens en habit de couleur jouer des musiques de Lully, Verdi ou Vivaldi.
     Le soir tombe, j'avale un casse-croûte et me dirige vers l'hôtel. Les canaux et les ruelles sont si nombreuses dans ce quartier que j'ai du mal à retrouver mon chemin.


     Une nuit passée dans un bon lit, c'est quand même bien agréable! Je descends avec mes amis prendre le petit déjeuner. Mais comme de juste, il est plus de dix heures et le breakfast n'est plus servi.
Aujourd'hui, je visite le Grand Canal, le pont des Soupirs et le Rialto en laissant, comme la veille, mes étudiants aller de leur côté. Sur le chemin, je croise une foule de touristes qui s'agglutine aux vitrines d'orfèvrerie, de bijoux et de maroquinerie. Les prix affichés sont exorbitants. Au pied de Rialto, des camelots vendent toutes sortes de babioles. Entre autre, une chemisette soyeuse et légère attire mon attention. Je me laisse tenter et tire du fond de mes fouilles une paire de lires pour satisfaire ma douce folie. Je veux aussi rapporter un souvenir de Venise à ma mère, je sais qu'il lui fera plaisir. Je jette mon dévolu sur un joli châle de soie représentant des vues de Venise. Pour mon oncle Robert, je choisis une carte postale géante mais hélas, elle n'arrivera jamais à destination. Cette journée défile très vite. Le soir tombant, je rentre à l'hôtel passer ma deuxième nuit.

      En nous levant un peu plus tôt, nous avons droit cette fois-ci à un copieux petit déjeuner. Aujourd'hui nous quittons Venise, il est l'heure de préparer nos bagages. La note est réglée et le chemin du retour est emprunté de nouveau avec le vaporetto: destination le Grand Garage.
De l'autre côté de la lagune, la voiture se range sur le bas-côté de la route, C'est là que je laisse mes compagnons. Ils partent pour Trente et l'Autriche. Une photo est tirée et les adresses échangées. Good bye! De grands adieux s'en suivent. Je regarde  la R16 s'éloigner pour toujours.

La Frioule Vénétie Julienne est parcourue dans différents véhicules en suivant la route qui surplombe la mer Adriatique. Fort tard, je descends les faubourgs de Trieste par une grande rue déserte tissée de fils de trolleybus. Pénétrant sur un terre-plein servant de parking à une auberge fermée. je me planque entre deux voitures. Dans la pénombre, je vais dormir paisiblement hors de la vue d'éventuels passants.

 



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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 11:10

 

Y O U G O S L A V I E


-11 juillet 1968:
Trieste n'est pas encore réveillée lorsque je rejoins la sortie de la ville.
Un couple de français d'une quarantaine d'années me conduit à bord d'une ami 6. A Kozina, le poste frontière, j'obtiens un premier cachet sur mon passeport. Pendant que mon conducteur s'affaire aux formalités douanières, je convertis le reste de mes lires en dinar.

 

La Slovènie montagneuse est traversèe sous un soleil de plomb. Je contemple au loin un immense lac flanqué au milieu de collines semi-arides. La route pour Agram (Zagreb) en Croatie est longue et sinueuse.  Zagreb est le terminus du couple. C'est ici que convergent les routes des pays du nord et du sud de l'Europe. Sur la route de Belgrade, rattrapée après une longue marche, une surprise m'attend. Une trentaine d'auto stoppeurs en couple ou solitaire poirotent patiemment. Sans aucun doute, certains sont là depuis la veille. Quelques-uns dorment au pied de leur sac, d'autres bouquinent pour tuer le temps en ayant soin d'avoir placé un morceau de carton au sol indiquant "BELGRAD".
      Après réflexion, je décide de remonter la file pour me poster beaucoup plus haut. J'ai déjà remarqué que lorsque des auto-stoppeurs se placent trop près les uns des autres, le conducteur hésite à s'arréter.
    La circulation est calme. Selon toute vraisemblance, la Yougoslavie possède peu d'automobiles, le pays est assez pauvre. Au bout de plusieurs bornes, je me retrouve seul, sans un chat à l'horizon. Cette route de Belgrade, les yougoslaves la nomment "autoroute". Pour sûr ! Elle est presque aussi large qu'une nationale française.
       Ma solution s'avère la bonne. Peu après ma longue marche, une voiture stoppe. Deux hommes me font parcourir une centaine de kilomètres sur les quatre cent cinquante séparant Zagreb de Belgrade. Vers dix-neuf heures,
l'auto se gare devant un routier où mes compagnons m'invitent à dîner. Sans me faire prier, nous passons au fond du restaurant prendre place.
      J'ai une dalle terrible. Un de mes compagnons s'en aperçoit et me propose un second plat. Le pain est bon. Avant de quitter la table, je récupère discrétement tous les morceaux restant au fond de la corbeille pour les mettre dans mon sac à dos avec deux petites bouteilles de coca qui me sont offertes.

      Encore un bout de chemin ensemble et je suis de nouveau seul sur le bord de la route. Un camionneur s'arrête, je grimpe dans la cabine et hop! C'est reparti. Nous roulons un bon moment en Croatie. Mon chauffeur fatigué s'apprête à passer la nuit dans un motel. L'engin se gare alors sur une immense esplanade encombrée d'énormes poids lourds. Je descends du camion avec les salutations d'usage et je longe la route pendant une centaine de mêtres. Dans la nuit obscure, je devine un champ parsemé de quelques arbres. Je m'engage à tâtons dans de grandes herbes et m'enfonce loin de la chaussée pour passer une nuit tranquille.

      A l'abri des regards, j'étale ma toile de fond sur le sol pour me préserver de l'humidité.
Mon sac à dos me sert d'oreiller. Je dissimule mon couteau sous la toile à proximité de ma tête au cas où je serais amené à dissuader. Avant de m'allonger, je retire mes Clarks et les laisse dans l'herbe. J'enfile mon treillis et m'enroule dans ma petite couverture sans oublier, comme d'habitude, de passer un bras dans la bretelle du sac. Serein, un profond sommeil m'envahit.

 

 

 

 

 

 


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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 11:00

 



Il fait déjà grand jour lors de mon réveil. Il est tard et je sens que quelque chose ne va pas. Un vide m'entoure. Ma tête ne repose plus sur mon oreiller de fortune, mais à même le sol. Brusquement, je réalise et fais volte face. Merde! Mais merde! Plus rien, mon sac à dos a disparu. En un éclair je suis debout tout éberlué en jurant de tous les dieux. Je fais le tour du campement espérant le retrouver non loin de là. Rien, je dois me rendre à l'évidence, il n'est plus là. Chiotte! Chiotte! et Chiotte! Que faire? Rien, il n'y a rien à faire. Si! Remettre mes godasses, plier la couverture et foutre le camp.

Je n'ai plus d'affaires de rechange, plus de mappemonde, ni de carte d'Europe, plus de chàle souvenir de Venise pour ma mère, plus de carnet de vaccination, de papier à lettres et de bouteilles de coca. Ainsi défile dans ma tête tout le contenu de mon sac. Pendant plus d'une heure, je reste ahuri, dénué de toutes initiatives n'en croyant pas encore mes yeux. Comment mon sac a-t-il pu disparaître pendant mon sommeil sans qu'aucun bruit ne me réveille? J'avais pourtant bien passé mon bras dans la bretelle. Sans aucun doute le voleur a coupé la sangle. Enfin toujours est-il que je devais dormir comme un vieux Loir, ce qui n'est pas habituel chez moi. Maintenant, je suis là au milieu du champ l'air plutôt con comme si je venais de faire un cauchemar.
        Pensait-il trouver de l'argent ou des papiers? Mais que nenni. Le tout est glissé entre la ceinture de mon jean rouge et mon ventre blanc. Je suis un peu réconforté. Je les place à cet endroit depuis mon départ. C'est essentiel, sans eux, plus de voyage avec en prime de gros ennuis pour le retour. Le contact du passeport sur la peau me prouve que tout n'est pas perdu. La disparition de mon sac à dos ne sera en fait qu'un mauvais épisode de mon périple. Résolu de continuer, je regagne le bord de la route ma couverture et ma toile de fond roulées sous le bras. De là, je vois le motel et l'esplanade d'où les camions sont partis de bonne heure ce matin. Mon voleur doit être loin, pensais-je. A la réflexion, il est heureux qu'il ne m'ai pas réveillé car surpris, il aurait pu avoir une très mauvaise réaction.
Je reprends l'auto stop pour quitter cet endroit maudit. En fin de matinée, après avoir parcouru deux cents kilomêtres, j'arrive à Belgrade. La ville est très grande et ressemble à une agglomération russe. Je cherche aussitôt à rejoindre la route de Nish en suivant pendant un long moment le ligne de trolleybus qui conduit à la sortie.

 




Bientôt une auto s'arrête. De nouveau c'est un couple de français en 3 cv qui m'emmène au travers la Serbie. Nous côtoyons un long moment la rivière Morava. A une intersection de l'entrée de Nish, des mômes d'une dizaine d'années viennent à notre rencontre. Ils frappent joyeusement aux vitres de l'auto et réclament par mimes des cigarettes. La femme de mon conducteur est surprise et préfère donner des pièces de monnaie française. Les jeunes s'en contentent et s'écartent de la voiture en nous remerciant. Ce geste d'enfants me deviendra rapidement familier.


En cours de matinée, le couple décide de s'arrêter près d'un petit village où un repas pique-nique est partagé. L'endroit leur plaît, ils n'iront pas plus loin. 


Me voici aux pieds des Balkans où le paysage est montagneux et verdoyant. Les habitants vétus traditionnellement me rappellent le trajet déjà réalisé depuis mon départ. La région est pauvre. Les paysans vivotent d'un peu de cultures et de pâturages. Pendus à la façade de vétustes habitations, des poivrons rouges en grappes finissent de mûrir au grés du temps.



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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 10:50


B U L G A R I E

 

- 13 JUILLET 1968:

Je reprends le stop tout en marchant. A cette heure, peu de véhicules se dirigent vers la frontière. Une Mercédès immatriculée au Liban s'arrête. Le chauffeur, vétu d'un élégant costume, est un homme rondouillard au teint mat et sourcils noirs. Le soleil est déjà couché depuis un moment lorsque nous atteignons le poste de douane. Les formalités n'en finissent plus, entre autre, un visa de transit valable vingt-quatre heures est obligatoire. Mon libanais à la bonté de me le payer (environ vingt balles). Je le remercie.

Nous roulons maintenant en direction de la capitale Bulgare située à une centaine de kilomètres dans une plaine fertile au pied du Vistosch. Il est plus de minuit, mon chauffeur s'arrête ici à Sofia pour passer la nuit à l'hôtel.


 

      Déposé au centre, je sors de la ville pour tenter de me dénicher un emplacement à l'abri et dormir. C'est un peu plus difficile qu'ailleurs pour trouver son chemin. Les flêches de direction sont écrites en lettres russes. Enfin, avec un peu de chance, je trouve un panneau "ISTANBUL 600 km". Un peu plus tard, une voiture noire, type taxi anglais, me conduit à la sortie de Sofia. Je descends à côté d'une cité où m'attendent au pied d'un immeuble, une pelouse et une haie de thuyas. Quelle aubaine!

Comme chaque matin de très bonne heure, je suis déjà debout le pouce en l'air, prêt à défier une nouvelle journée. Aujourd'hui, j'ai meilleur moral qu'hier. La Turquie est à ma portée et l'affaire de mon sac à dos me préoccupe moins.

      Très vite, une sorte de grosse 203 verte s'arrête. C'est un jeune qui se rend à son boulot. Il me dépose à une patte d'oie à trois kilomètres de la sortie de Sofia. A côté, il y a une station essence, je vais essayer le stop depuis cet endroit. Mon idée ne semble pas trop payante, quand une moto de petite cylindrée s'immobilise devant moi.

- Monte, je vais à Plovdiv>> me dit le motard dans un parfait français.

Aussitôt dit, aussitôt fait, me voilà à califourchon sur le porte-bagages de l'engin. Ainsi les cheveux au vent, je quitte la plaine pour retrouver la montagne (les Rhodopes). Au fur et à mesure que le temps passe, les côtes se font de plus en plus raides. Notre pétrolette donne des signes de faiblesse. L'altitude amène la fraïcheur malgré un temps splendide. Mon siège n'est pas très confortable, j'ai le derrière talé et je frissonne. Le treillis me rend bien service. Désormais à chaque petit col, je suis obligé de descendre de la 125 tant il lui est pénible de nous tirer. Enfin, ça me dégourdit les jambes, me regonfle les fesses et me réchauffe en même temps. Et hop! Arrivé au sommet, je grimpe sur la machine. Nous passons au pied du mont Moursale (2925m) et suivons la Maritza qui ne nous quittera plus jusqu'à Edirne. La descente sur Plovdiv en milieu d'après-midi est bien appréciée. Nous voilà arrivés, je descends de mon cheval bulgare un peu courbaturé mais très heureux de ces cent cinquante kilomètres passés au grand air.


Sur la route d'Edirne, c'est une Mercédès qui s'arrête de nouveau. Deux jeunes allemands se relaient pour la conduire et c'est à très grande vitesse que nous roulons en direction de la Turquie. Le compteur atteint sans peine les 180km/h. Je ne suis pas rassuré, la route n'est pas en trop bon état. J'ai à peine le temps de voir Dimitrograd que nous sommes à la frontière. Les deux germaniques qui ne vont pas plus loin me laissent au poste de douane.

Accroupies sur le sol, des femmes turques avec gosses et baluchons attendent les maris qui se démènent avec les douaniers au sujet de la paperasserie administrative. Vêtues de couleurs vives, un foulard sur la tête, elles tiennent semble-t-il des propos forts intéressants. Dans un entrepôt vitré, des objets non déclarés sont emmagasinés. Il y a là, empilés les uns sur les autres, des téléviseurs, des postes radios et toutes sortes d'appareils ménagers.

Mes papiers visés, je me rends au poste turc où de nombreuses personnes attendent également. Les familles travaillant en Europe rentrent chez elles passer les vacances. Dans un uniforme verdâtre et casquette d'aviateur, un douanier appose un cachet de plus sur la première page de mon passeport. J'ai traversé la Bulgarie sans avoir converti d'argent. Au bureau de change, je tire cent trente liras (trente francs environ) du peu de monnaie yougoslave qu'il me reste, de quoi survivre une dizaine de jours. En outre, il me reste encore un billet de cent francs.



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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 10:40

 

 

T U R Q U I E

 



- 14 juillet 1968:


La nuit est tombée. La ville d'Edirne est toute proche. Traversant la campagne, j'aperçois au bout de mon chemin la lueur de la mosquée. Une sensation agréable m'envahit. Je foule la terre turque. Au fur et à mesure que je me rapproche des maisons, une musique orientale s'amplifie. Elle se transforme en aubade de bienvenue.




Au pied du minaret, une fête bat son plein. Je suis émerveillé. Dans une guérite, j'achète un bâtard farci d'oeufs durs et de salade. En dévorant mon casse-croûte, je parcours les attractions. La plus attirante est sans aucun doute le manège de balançoires. Emportés par la force centrifuge, les joyeux drilles s'élèvent dans les airs à une vitesse folle. La foule s'enthousiasme en regardant celui qui a monté avec lui un mouton qu'il vient de gagner. Le pauvre animal bêle à qui mieux mieux.
   Les hommes ont tous le crane à demi-rasé. les femmes portent des tissus colorés avec un voile juste en dessous des yeux.
   Mon petit tour terminé, je rejoins la route d'Istanbul. Il reste deux cent cinquante kilomètres pour y arriver, mais je m'arrête là pour aujourd'hui. De grands champs de tournesols, culture principale de la région, s'étendent dés la sortie de la ville. Leurs sillons serrés vont bien m'abriter pour la nuit. Je pénêtre dans cette forêt de soleils et m'installe suffisamment loin en profondeur. Asséché, le sol est jonché de grosses mottes de terre. Je les repousse et m'enroule tant bien que mal dans ma couverture en espérant que le champ ne sera pas irrigué au petit matin.


S T A N B O U L U M

Je sors éreinté de ma couche pour débuter une des plus belles journées de mon voyage. Elle me ménera au bout du rêve que j'ai formulé avec Jean-Marie depuis l'année précédente. Dommage qu'il ne soit pas avec moi. Mais peut-être est-il déjà en train de savourer ce plaisir? Je le saurai bientôt. Aujourd'hui, le soleil brille plus que jamais et chauffe d'avantage. Dans quelques heures, je pourrai m'écrier <<Istanbul ! J'y suis.>>
Il y a peu d'autos, mais de nombreux camions
militaires en manoeuvre passent non loin de moi. Un jeune militaire qui dirige la circulation me remarque et s'approche. Je crois bien que je dérange. Mais non, en français, il me propose d'arrêter des voitures pour m'aider. Posté au milieu de la route, il lève alors le bras et barre le chemin aux autos de passage. C'est un couple de français d'une cinquantaine d'années qui accepte de me prendre et une nouvelle fois en Mercédès.



       Dans la campagne vallonnée du pays ottoman la moisson est terminée depuis longtemps.
Entre deux collines, nous observons le minaret d'un petit village qui pointe dans un ciel d'azur. Sur la piste qui longe la route, un bourricot conduit un vieil homme au marché. Des paysannes occupées aux travaux des champs relèvent la tête à notre passage et nous saluent.
L'épouse du chauffeur m'offre quelques loukoums aux noisettes. C'est la première fois que j'y goûte et croyez-moi au deuxième tour ma main ne se fait pas attendre. Les sucreries donnent soif, une halte près d'une fontaine abreuvoir est nécessaire. L'eau est
fraîche et désaltérante. Au loin, deux ou trois jeunes bergers accourent à toutes jambes jusqu'au point d'eau. Ils ne veulent en aucun cas rater l'occasion de quémander quelques cigarettes et chewing-gum. Ils auront satisfaction. La voiture redémarre accompagnée des gosses qui courent derrière.

En cours de chemin, nous croisons de nombreuses américaines immatriculées en Turquie. Elles portent le croissant, symbole musulman. Le pays ne possède aucune marque d'auto. les Etats-Unis fournissent leurs vieux modèles à de bon prix. Grand nombre de camions et d'autobus sont de gros Bedford des années cinquante-cinq.

Sur le toit d'un rare village, une cigogne se repose debout au milieu de son nid. A l'horizon, pointe le bleu de la mer Marmara. La flore devient méditerranéenne et rend le paysage encore plus merveilleux. La chaussée se transforme rapidement en une sorte de voie express. Nous passons devant l'aéroport situé en bordure de mer et entrons dans la banlieue où cabanes et vieux immeubles s'amoncellent sur les collines.

La circulation est de plus en plus dense à l'approche des remparts de Constantinople. Beaucoup de charrettes vides rentrent des faubourgs. Dans notre sens, elles sont débordantes de gros ballots ou de cageots de légumes. Les chevaux maigrelets qui les tirent, semblent déjà bien fatigués en cette fin de matinée.

 La circulation devient infernale. Les coups de Klaxons s'amplifient. Chevaux, camions, taxis, bus fourmillent autour des grands carrefours. Nous franchissons les murailles d'enceinte et pénétrons dans le coeur de la vieille ville. La Mercédès suit un grand boulevard et traverse le quartier Taskasap où les turcs se pressent de plus en plus. A Aksaray, mon chauffeur prend la direction de Taxim. C'est le quartier européen d'Istanbul niché de l'autre coté de la Corne D'Or. Après le passage de l'aqueduc de Valence, qui date certainement de l'époque byzantine, nous arrivons au boulevard Ataturk qui mène au pont du même nom. Je suis au terminus de mon voyage. La voiture s'arrête sur le bas côté pour me laisser descendre et repart pour traverser la Corne D'Or.


Il est midi. Une chaleur intense frappe les bas quartiers. Pieds nus pour économiser mes chaussures et mon baluchon sur l'épaule, je marche à l'aveuglette. Je dois trouver le quartier  de Sultanhamet. C'est là que se trouve le Gülhane, un hôtel que Pierrot, le cousin de Jean-Marie m'a indiqué avant mon départ. L'année précédente, il a fait également le voyage en stop jusqu'ici et, par ses récits, il nous communiqua cette soif d'évasion. Débouchant dans la grande rue des halles fort mouvementée, je déambule au milieu de montagnes de cageots gerbés les uns sur les autres. Des portefaix (porteurs) les charrient sur le dos à l'aide d'une bosse à bretelles ressemblant à un sac à dos. Elle permet d'obtenir un plan horizontal lorsque la colonne vertébrale est courbée. Ainsi, ils supportent de colossaux fardeaux. C'est une pratique millénaire aux personnages du décor de la Route de la Soie. Ce sont eux qui livrent à domicile, qui, mille fois par jour, font le trajet du sérail à la boutique. Toujours cassés en deux, ne s'arrêtant jamais dans leur course et ponctuant de <<rabardar kusmudar!>> (tire-toi, fils de...!).
Le goudron chaud me brûle littéralement la plante des pieds et je m'applique à éviter les fruits tombés à terre. A l'entrée du pont de Galata qui enjambe la Corne d'Or pour rejoindre la ville européenne, je découvre le Bosphore. Ce grand passage naturel relie la mer Marmara et la mer Noire.


Devant la grande mosquée Yéni, des milliers de pigeons ont envahi les trottoirs. Dans le quartier de Sirkeci, une longue queue de taxis noirs attend devant la gare. Ce sont des Dolmus.

C'est inscrit sur l'arrière de ces grosses voitures américaines aux toits arrondis. Elles peuvent contenir jusqu'à huit à dix personnes. Le chauffeur ne part que lorsque le véhicule a fait le plein de clients.
Dans un kiosque ouvert aux quatre vents, un type s'affaire à vendre des boissons et des petits pains au gruyère chauffés dans un gaufrier. Essayant de maitriser une circulation anarchique, un flic souffle à pleins poumons dans son sifflet. 

J'ai besoin d'un plan. Pénétrant dans le hall de la gare, j'espère y trouver un bureau de tourisme. Tournant et virant dans le hall, je ne vois rien et réfléchis un moment à ce que je vais faire. De quel côté aller? C'est immense, et ce brouhaha de klaxons commence à me peser un peu.

Je sors et contourne la gare pour prendre la grande rue montante. Sultanhamet est sur une hauteur, il y a des chances que ce soit la bonne direction. Je profite du passage devant une échoppe de fruits pour acheter un kilo de pêches à une lira cinquante. Tout en comblant mon appétit, je reprends mes recherches les yeux fixés sur la façade des immeubles pour découvrir les enseignes d'hôtels. Soudain, je tombe nez à nez devant le Old Gülhane Hôtel. Ca y est, j'y suis. Les quelques marches de l'escalier extérieur gravis, j'entre dans le petit hall d'entrée. Le manager debout derrière le comptoir de la réception parle l'anglais. Je lui demande de me donner ce qu'il a de moins cher pour dormir. Pour trois liras (1 fr. 20), j'obtiens une place sur le toit.

Là-haut, sur la terrasse déserte, des sacs à dos marquent les places occupées. Je ne vois pas la fameuse tente dont m'a parlé Pierrot. Bref, pour le moment c'est bien comme ça, je verrai plus tard. J'étale ma couverture dans le coin d'une cheminée et m'accorde un instant de repos avant de redescendre laissant mon peu d'affaires sur place. J'ai hâte d'en découvrir d'avantage.


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