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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 05:30

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          Aujourd'hui, je tourne avec Rudy. A deux c'est moins stressant et depuis l'aventure d'hier, je me sens ainsi plus en sécurité. Nous remontons les rues de "Chémirânt" où nous croisons peu de monde. C'est la pleine époque "ramazan" (ramadan). La plupart des gens ne sorte qu'après le coucher du soleil ce qui ne facilite pas nos affaires.


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En fin d'après-midi, nous abordons un homme d'une cinquantaine d'années. Il nous parle en anglais et s'associe tout à fait à notre problème. Désirant immédiatement nous donner de quoi manger, il ne trouve en cette période de ramazan qu'une rôtisserie d'ouverte. Un poulet y est acheté et nous sommes invités à venir le déguster chez lui. En cours de route, il nous fait part de sa réelle intention de nous aider à retourner en France. Etant de toute évidence ravis, nous restons cependant prudents et retenons notre enthousiasme.

Son appartement est situé sur un des boulevards du quartier bourgeois de Téhéran. L'immeuble de quatre ou cinq étages est ancien mais cossu. L'escalier marbré est propre et spacieux. En pénétrant dans le logement, nous sommes conviés à nous déchausser. Le sol est couvert de tapis d'orient et les meubles de style Louis XV sont des pièces de collection de grande valeur. L'effigie du shah est présente un peu partout sur les murs. Dans la salle à manger, l'épouse nous est présentée comme étant la cousine de Farah Dibha, femme du Shah Réza d'Iran. (Peuh chère!) C'est une femme distinguée d'une quarantaine d'années et vétue à l'Européenne. Elle nous accorde un sourire alors que son mari lui explique en farci le motif de notre présence. Des ordres à la servante sont donnés. Une table est dressée rapidement et nous dévorons notre poulet rôti avec appétit.

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Le couple nous offre l'hospitalité pour la semaine. Compte-tenu de notre état de santé, ils leur semblent nécessaire de nous remettre d'aplomb avant de prendre une décision sur notre sort. C'est encore une chose extraordinaire qui nous arrive et nous acceptons sans rechigner cette proposition qui nous paraît des plus sérieuse.


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Notre hôte est à la tête d'une grande compagnie d'extraction de gaz. Sa femme ne travaille pas et ils ont un fils étudiant à Paris dans le 7ème arrondissement.

En fin de soirée, nous retournons à l'hôtel prendre nos bagages. Il va être difficile d'expliquer la situation à Gilbert.

Le pauvre nous attend dans la chambre. Nous lui apprenons que nous avons décroché le cocotier et que nous allons passer la semaine dans l'appartement de la cousine de Farah. A notre étonnement, il trouve que c'est incroyable et s'en réjouit pour nous. Cependant, intérieurement le choc doit être à la hauteur de la nouvelle.

De retour à l'appartement, aucun de nous deux n'ose parler de notre compagnon resté à l'hôtel. Nous avons peur que cela pèse sur leur décision. Une chambre et une salle de bains nous sont offertes et le souper assuré.

Le lendemain matin, un petit déjeuner est pris en commun et des vêtements nous sont donnés en remplacement des loques que nous trimbalons depuis six mois. Il s'agit d'une veste et un pantalon en Tergal avec une chemise blanche et des chaussures noires. Il faut voir le look ! Ils sont vraiment trop larges pour nous.

C'est ainsi en habit de bourges que nous retrouvons Gilbert qui semble garder malgré tout le moral. La journée est passée ensemble méditant sur ce qui nous arrive.

De retour dans nos quartiers, nous retrouvons notre famille et passons à table. La conversation s'effectue uniquement avec le mari car sa femme ne parle pas un mot de français ni d'anglais. Notre hôte s'est aperçu de la maladie de Rudy et propose de l'emmener demain consulter dans une clinique de la ville dirigée par son frère.

Le repas servi dans la salle à manger par une bonne est simple mais copieux. La mère de son épouse a été invitée, elle pose beaucoup de questions à notre effet. Il semble bien qu'elle soit responsable des affaires familiales. C'est une vieille bourgeoise qui a bien la tête sur les épaules.

 

Comme promis, aujourd'hui nous sommes conduits à la clinique. J'attends à l'intérieur de la voiture tandis que Rudy est accompagné et présenté au frère qui va l'ausculter et lui faire administrer une piqûre de pénicilline. Le remède devrait en principe lui être efficace. Le soir même, nous sommes invités aux bains turcs. Nous avons récupéré des poux de corps sur les banquettes des bus afghans et en nous grattant la panse et le bas du dos, on a dû se faire remarquer. Ces vilaines petites bêtes ont élu domicile à la ceinture de mon maillot de bain ce qui m'occasionne de petites plaies. J'ai beau les tuer et laver mon maillot, rien à faire. Les lentes, difficiles à voir dans la doublure, s'accrochent irrésistiblement au tissu sans que je puisse les détruire.


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Dans l'établissement, l'atmosphère est terriblement chaude et humide. Nous entrons chacun à notre tour dans une douche. Un costaud, torse nu et serviette à la taille, nous prend en main. Il me semble qu'on me passe le corps à la toile émeri. Les bras, les jambes, les pieds, le cou, rien n'est oublié par le gant de crin. Au bout d'une vingtaine de minutes, délavés, relaxés et roses comme de petits cochons, nous rejoignons la sortie où nous attend la voiture.

Au soir du quatrième jour, nous sommes tous réunis autour de la table avec la mère et un autre frère du mari. Une grande discussion en farci s'ouvre devant nous. Il est sérieusement question de nous offrir le voyage retour en avion mais, apparemment, certains sont réticents sur la dépense. Nous sommes bien conscients de ce problème et d'ailleurs nous n'en espérions pas tant. Ce n'est pas non plus une solution qui nous convienne. Rudy, remerciant d'abord tout le monde de la générosité faite à notre égard, explique que l'avion n'est pas indispensable. En effet, décoller de Téhéran pour atterrir quatre heures plus tard à Paris ne semble pas correspondre à l'idéologie de notre voyage. Et puis, il y a encore une chose qu'ils ne savent pas et que nous devons dévoiler, c'est la présence d'un troisième compère !

La discussion repart de plus belle et le verdict tombe enfin. OK, il nous est proposé pour nous deux un billet d'autobus Téhéran/Munich et le réglement des cinq nuits d'hôtel qu'il reste à payer pour Gilbert. Nous sommes heureux et nous remercions à nouveau tout le monde du geste accompli. Mais, bien vite notre pensée retombe sur Gilbert qui n'a pas eu notre chance et qui doit rentrer dorénavant seul en France.

 Rudy et Gilbert, les deux inséparables vont se quitter brusquement, chose qu'ils n'ont à aucun moment évoqué avant et pendant leur voyage. La situation est dure à assumer pour Rudy mais son état de santé et la fatigue de ce long voyage a joué sur sa décision.

La veille du départ, comme entendu, nous nous rendons en voiture jusqu'au Continental. Gilbert est là, plus seul que jamais. Nous lui présentons notre mécène qui règle auprès du manager la note d'hôtel et le repas du soir. Nous nous apprêtons à lui faire nos adieux. Rudy lui laisse une moumoute afghane identique à la mienne afin qu'il essaye de la vendre et se faire un peu d'argent. Pour ma part, je vide le fond de mes poches et lui offre symboliquement quelques rials que je n'aurai pratiquement plus besoin puisque l'hébergement et les repas sont compris dans le prix du bus.

Sur la terrasse du continental l'heure est à la tristesse, nous nous embrassons amicalement en souhaitant bonne chance et bonne route à notre compagnon Gilbert pour les six mille kilomètres qui lui restent à faire.

- Adieu Gilbert, et à bientôt de se revoir à Montar !

          

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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 05:20

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            Le dernier souper pris à l'appartement, nous allons admirer les lumières de Téhéran depuis le quartier des villas de "Chémirânt". La voiture prend la direction des pentes de l'Elbourz
. La vue y est superbe. D'immenses guirlandes de lumière courent depuis les grandes avenues et viennent mourir en serpentant dans la montagne. De grosses Mercédès dorment devant les portes et dans les cours des villas luxurieuses. L'aisance et le faste éblouissent autant que la lumière de la ville, laissant dans l'indifférence les bas quartiers aux maisons de tôle et de pissé.

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Il est huit heures du matin, les sacs sont prêts. C'est le moment de remercier une fois de plus la cousine de Farah qui profite de l'occasion pour nous glisser une lettre dans la main. Nous la remettrons à son fils dès notre arrivée à Paris. Son mari se charge de nous conduire à la compagnie d'autocar.

Sur l'esplanande de la gare routière la plupart des voyageurs sont déjà installés à leur place. En attendant l'heure du départ, nous prenons encore un peu de temps pour bavarder. Coups de klaxon, nous grimpons à l'intérieur du bus et saluons chaleureusement notre hôte qui nous le rend d'un geste de la main.

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Le bus s'éloigne des faubourgs, je n'arrive pas à décoller mes yeux de la vitre. Je pense à Gilbert qui n'a pas osé nous accompagner pour le départ et que je devine laisser à son propre sort dans sa chambre d'hôtel, J'ai vraiment de la peine.

L'autocar est d'un bon confort ce qui nous change de tout ce que l'on a connu jusqu'à présent. Mal à l'aise dans nos habits de bourges , nous les échangeons sans plus attendre contre nos frusques que nous avions gardées précieusement.

Bus-01.jpg

La première étape est prévue à Tabriz que nous atteindrons en fin de soirée. Les trois cents premiers kilomètres s'effectuent sur route. Nous passons Kazvin. Notre premier arrêt est pour Zanjan où j'ai eu la première frayeur de mon voyage. Reste encore cinq cents kilomètres de piste. Dans la nuit noire, nous filons au travers un dessert de pierraille. C'est vers vingt-deux heures que notre chauffeur se gare sur le parking de l'hôtel que réserve la compagnie.

L'établissement est d'un très bon standing et sa cuisine mériterait qu'on s'y arrête plus longtemps. La chambre confortable nous permettra de passer une bonne nuit. Demain nous avons rendez-vous à dix heures pour un nouveau départ.

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Le bus prend la direction de Makoo. Beaucoup de places sont libres. Une grande partie des voyageurs est descendue à Tabriz. La frontière de Bazargan est franchie en début d'après-midi et bientôt se dessine en fond de décor le saisissant mont Ararat entièrement couvert de neige.

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L'hiver est bien installé sur les hauts plateaux d'Arménie où la steppe inhospitalière est balayée par une bise glaciale. Dogu-Bayazit, Kagizman, des villes qui croulaient sous une chaleur torride cet été sont maintenant en pleine hibernation.

                  Nous roulons et roulons encore sur des pistes défoncées qui s'améliorent à l'approche d'Erzurum la plus grande ville de cette province et terminus de la journée. Après un parcours de plus de huit cents kilomètres, nous avons droit au souper et au coucher dans un bon hôtel. C'est un moment très apprécié car c'est le seul de la journée qui rompt la monotonie des longues heures passées sur le siège de notre bus.

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Aujourd'hui, notre chauffeur nous conduit à Ankara. Il est dix heures et nous démarrons de la cour de l'hôtel. La route sera encore longue mais il y a beaucoup de nouvelles têtes et l'ambiance est un peu différente. A mi-chemin, nous traversons Sivas ville de cent mille habitants. Derrière la vitre le froid est aussi intense, le plateau est encore ici à 1250m d’altitude. Kirikkale signale l'approche d'Ankara. En effet, une heure plus tard, nous apercevons les lumières de la grande ville. Malheureusement, nous ne verrons pas le centre. Notre bus s'enfonce dans les faubourgs de la périphérie pour gagner notre hôtel.


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La prochaine étape nous mène à Istanbul, ma chère ville adorée. Il y est prévu relâche tout l'après-midi, c'est super!

Le bus est de nouveau plein lorsque nous partons en direction d'Esquiséhir et Adapazari. A quatorze heures, nous nous présentons à l'embarcadère d'Usküdar pour la traversée du Bosphore. Le débarquement se fait à Sirkeci tout près de la gare d'Istanbul. De là, nous regagnons un hôtel dans le quartier Alendar proche de Kapali çarci (le Grand Bazar). Les bagages déposés dans la chambre, nous descendons avec hâte pour nous replonger dans l'ambiance de la rue.

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Très vite, nous voilà dans le quartier Sultanhamet. Il nous est impossible de ne pas passer ici sans faire un tour au Gülhane. Nous grimpons l'escalier quatre à quatre. Ismet est à son bureau dans le hall d'entrée. Nous le saluons, il est difficile de dire s'il nous reconnaît mais il nous répond poliment. Je le trouve bien grossi. A ce moment un couple chargé de bagages descend l'escalier de l'étage qui débouche dans le petit hall. Mais oui décidément! c'est bien Gérard et Dominique.

Ils sont pressés, leur train part pour Paris dans vingt minutes de la gare de Sirkeci. Rapidement, ils nous expliquent qu'ils se sont fait envoyer de l'argent pour payer le voyage mais impossible de leur conter notre aventure, ils doivent partir pour ne pas rater leur train. Quel dommage! Nous avions tant de choses à nous raconter.ayasofia-copie-1.jpg936.JPG100-1844.jpgtyrki7-copie-1.jpgpigeon2.JPG

Un détour par la tente n'est pas manqué. A l'intérieur, l'espace a été réduit pour l'hiver. Une trentaine de routards seulement s'agglutine autour du poêle à charbon que l'un d'entre eux attise. C'est vrai qu'il ne fait pas chaud ici. Au réveil, il doit être bien agréable de pouvoir se dégourdir auprès d'une douce chaleur. Le Gülhane nous paraît bien triste à cette époque mais nous le quittons quand même avec une certaine nostalgie.

Le petit restaurant de Yenner est aussi un passage obligé. La tonnelle est déserte et la porte d'entrée est constamment maintenue fermée pour garder à l'intérieur la chaleur des fourneaux. Yenner n'a pas changé, toujours aussi énergique et rieur.

En fin de soirée, après un tour à la poste centrale, nous arpentons une dernière fois les allées du Grand Bazar. Puis, c'est le retour à l'hôtel où nous prenons un bon repas. Demain, nous quitterons définitivement la Turquie. Le départ est toujours prévu à dix heures.
          


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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 05:10

 


       
A l'heure précise, notre bus franchit les portes de Topkapi et longe l'aéroport edirne-large-copie-2.jpginternational. Nous tournons le dos à Istanbul, ville fabuleuse où je me fais aussi la promesse de revenir un jour. Nous franchissons la frontière Bulgare à Edirne. Il reste encore trois cent cinquante kilomètres pour traverser Plovdiv et arriver à Sofia.

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Dans la capitale Bulgare nous descendons à l'hôtel Pliska. C'est un édifice de seize étages disposant de deux cent dix-sept chambres avec depuis la terrasse une vue panoramique sur les citées jardins du quartier Istock . C'est un palace qui possède tous les services avec salle de jeux et salon de coiffure. Pendant le repas dans la grande salle à manger, nous avons droit à un orchestre de musiciens slaves. Le service est dirigé par un maître d'hôtel et les serveurs présentent le rince-doigts à chaque changement de plat. Nous sommes dans nos petits souliers. Jamais nous n'avions goûté à un tel faste.

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      Le lendemain matin, après un bon petit déjeuner, notre car prend le chemin des Balkans. A la frontière Yougoslave une surprise nous attend. Un visa de transit que je n'avais pas eu besoin à l'aller nous est demandé.  Il nous en coûte 12 dinar 50 chacun. Heureusement ruddy réuni tout juste la somme en changeant le peu de monnaie qui lui reste. Nous filons maintenant en direction de Nish et Belgrade. Là, nous descendons à l'hôtel
Slavija , un établissement d'un standing encore plus élevé que le Pliska. Trois cents trente-deux chambres avec salles de bains particulières, téléphone et tout autre confort. Tout le monde se retourne sur notre passage. Assurément, la pièce bleue cousue au cul de mon d'Jean rouge qui réussi à tenir tout le voyage ne peut que mettre en émoi la clientèle spécialisée du lieu.
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      C'est reparti, aujourd'hui nous traverserons toute la Yougoslavie. A Zagreb, nous bifurquons en direction de Maribor et descendons à l'hôtel
Slavija qui fait partie de la même chaîne que celui de Belgrade. Le confort y est également irréprochable et nous faisons toujours effet lorsque nous débarquons dans la salle à manger accompagnés du maître d'hôtel.
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           Neuvième et dernier jour de confort, l'autocar redémarre. Derrière la vitre nous graz-city-breaks-3.jpgsalzbourg.JPGregrettons déjà la fin de cette vie de pacha. Dehors le froid s'est intensifié sérieusement. En Autriche, nous déjeunons à Graz, Munich sera atteint dès vingt heures.



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        La Bavière est profondément plongée dans l'hiver. Nous descendons du car devant l'agence de voyage.
givre01-copie-1.jpg Saisis par la froidure, nous recherchons tout de suite la sortie de la ville. Il n'est pas prévu de nuit en hôtel, nous devons nous débrouiller pour trouver quelque chose. Il gèle à moins douze, un centimètre de givre recouvre les branches des arbres. De grosses bouffées de fumée blanche sortent de l'échappement des voitures et de notre bouche.
       

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20 août 2007 1 20 /08 /août /2007 05:00
 
             La bise ferme notre visage. C'est galère, j'ai les pieds gelés, mes Clarks n'ont pratiquement plus de semelle, chacune n'étant retenue à la chaussure que par le milieu. Malgré tout, ma moumoute m'est précieuse. 

Marchant une bonne heure, nous rencontrons en chemin une cabine téléphonique. cabine.JPGElle va servir à abriter l'un de nous deux à tour de rôle pendant que l'autre fera du stop sur le bord du trottoir. L'attente est longue. Il y a peu de voitures et le froid n'incite pas les automobilistes à s'arrêter. La bise glaciale passe sous la cabine surmontée d'une dizaine de centimètres. J'ai les pieds paralysés ce qui m'oblige à faire un grand écart pour les poser sur le montant de la base des vitres. Je ne vous dis pas la pose! Notre moral tombe bien vite. La nuit, la lumière froide d'un réverbère, le givre sur les arbres, la bise, une rue déserte n'ont rien d'encourageant et pourtant il faut tenir.

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Vers onze heures une voiture s'arrête enfin. Le chauffeur rentre chez lui à Stuttgart. C'est aussi notre route. De toute façon, il fait bien meilleur dans une voiture que dehors. Trois heures plus tard, réchauffés quelque peu, nous débarquons dans la banlieue de Stuttgart en prise de nouveau avec ce froid de canard. La fatigue se fait sentir mais où dormir à cette construction-dune-maison-copie-1.jpgheure-ci? Longeant un lotissement en construction, nous profitons de l'aubaine pour pénétrer dans le sous-sol d'une des maisons. La fenêtre et la porte du garage ne sont pas encore installées. Le froid est vif mais il n'y a pas de bise. Eclairé par la flamme de son briquet, Rudy découvre des sacs de ciment vides. Un petit feu est allumé à l'intérieur. Nous nous rapprochons des flammes pour nous réchauffer les mains et les pieds. Profitant de la lueur, j'étends ma toile de fond et m'enroule dans ma couverture sur le béton cru de la chape. Rudy, lui, s'enfile dans son duvet et ne laisse dépasser que sa barbe hirsute. Quel contraste comparé à nos dernières nuits passées dans le confort moelleux des palaces. Mon sommeil est interrompu tous les dix minutes par le froid, heureusement d'ailleurs car au bout d'une heure, je serai certainement crevé. Rudy souffre autant que moi et lorsque je pense qu'on n'a pas un kopeck en poches. Dans l'euphorie du moment, nous avons tout laissé à Gilbert sans penser à la fin du parcours. Aussi à ce moment là, nous étions loin de penser à cette galère.

 Groggy et fatigués, nous sortons du chantier vers sept heures, 180px-Australian-Perentie-Land-Rover-and-MP-motorcycles.jpgLa bretelle d'autoroute pour Karlsrue n'est pas très loin. Tant pis s'il y est interdit de faire du stop mais le courage nous manque pour trouver une autre route. Postés depuis une demi-heure sur la voie d'accélération, nous apercevons bien entendu deux motards de la police. Ils remontent la bretelle et s'arrêtent à notre hauteur. Aucun de nous deux parle allemand mais nous comprenons bien qu'il est interdit de rester ici. Esquissant un faux départ, nous blousons les motards qui repartent en nous laissant de nouveau le champ libre pour continuer.

stiring-wendel220.jpgUne voiture nous emmène à Sarrebruck. C'est une chance, nous serons dans quelques heures à la frontière française. La douane est passée à Stiring Wendel dans un véhicule qui nous mène à Merlebach. Il est tard,Fussgaengerzone-Karlsruhe-2.jpg peut-être vingt-trois heures. Nous devons trouver un endroit pour dormir. Le froid est aussi saisissant qu'en Allemagne mais il ne givre pas. Passant devant une cité minière, nous avons l'idée d'aller dormir dans une des caves d'un immeuble. Au fond d'un couloir, nous trouvons une pièce où les locataires accrochent leurs bicyclettes et garent les poussettes. L'espace est suffisant pour s'allonger, nous en ferons notre chambrée. Epuisés, nous finissons par trouver un semblant de sommeil.

Vers trois heures, quelqu'un allume la lumière, des chuchotements nous réveillent. A peine rendormi, ça recommence. Les voix s'intensifient et nous sommes mêmes bousculés du pied. L'endroit est vraiment mal choisi, nous n'avons pas pensé à la relève de l'équipe de nuit. Ce n'est pas la peine d'insister bientôt l'autre équipe reviendra pour se coucher. Par la force des choses, nous nous retrouvons à quatre heures du matin sur le bord de la nationale de Metz dans le froid, la fatigue et la faim au ventre.

carte-france-copie-1.GIF  
            Peu après huit heures un camion s'arrête. Le chauffeur se rend à Paris. C'est parfait pour nous, je vais en profiter pour aller chez mon oncle à Bondy qui sera surement surpris et heureux de me voir j'en suis sûr. Rudy a une soeur qui habite près de la gare de l'Est, ça tombe également bien. Dans le camion, nous avons le temps de nous réchauffer et passons notre temps à dormir.

 La route est longue, en milieu d'après midi, nous approchons de la banlieue. Je me fais descendre sur la R.N. 3 à hauteur de la piscine de Bondy. J'ai pris la précaution de donner rendez-vous à Rudy pour le surlendemain à la gare de l'Est. En l'espace d'un quart d'heure, je suis arrivé au pied de la cité des Saules. Là, je ne vous raconte pas comment mon oncle, ma tante et mes trois cousines sont heureux de me retrouver et de m'accueillir. Je suis la fierté du moment, le neveu globe trotteur, le cousin qui s'en revient d'orient, ils sont fous de joie.

 Comme promis, je me rends le surlendemain à la gare de l'Est pour retrouver Rudy. Nous devons encore porter la lettre au fils de la cousine de Farah. Il loge dans le septième arrondissement. C'est un appartement de bon standing au rez-de-chaussée d'un immeuble cossu. Nous sonnons, un jeune homme d'une vingtaine d'années ouvre la porte. Expliquant le but de notre visite, nous lui remettons la précieuse correspondance en le priant de bien vouloir de nouveau remercier ses parents de notre part et de leur dire que le voyage jusqu'à Munich s'était admirablement bien passé.

 

-18 Décembre 1968:

Mon oncle et ma tante ont payé mon ticket de train pour rentrer à la maison. Vers dix-sept heures, je débarque en gare de Montargis. Je n'ai pas eu le temps de signaler mon arrivée et personne ne m'attend précisément aujourd'hui. Encore trois kilomètres à pince pour voir le bout de mon Aventure. En passant devant la S.M.A. mon ancien employeur, je rencontre un arpète de la boîte. A me voir dans ma moumoute, mon pantalon rouge et mon sac à dos, il s'approche.

- j'ai eu du mal à te reconnaître, d'où viens-tu comme ça?

- Des Indes.

Il n'en revient pas et m'accompagne par curiosité jusqu'à la place Mirabeau. Reste encore la montée du cimetière, j'angoisse un peu. Aux premières maisons, des chiens aboient. Je traverse la place, pousse le petit portail et grimpe les quelques marches du perron du pavillon. Là, je prends un instant ma respiration et ouvre la porte.

- coucou, c'est moi!

Maman est là avec mes soeurs dans la salle à manger. Mon père n'est pas encore rentré de l'usine. Elles sont très heureuses et bien sûr soulagées de me voir enfin de retour. Et ma mère de s'esclaffer:

- Bon sang de nigaud vient là que j't'engueule, tu sais que tu nous as fait peur à ton père et à moi?>>
              
                  Fin ...

  
Ainsi s'est achevé une belle page de mes dix sept ans: l'histoire d'un jeune montargois qui s'en est allé  seul, au delà du bosphore, par une belle journée de 1968 avec 250 francs (37€) en poche.




. Pour la petite histoire, Gilbert est arrivé à Montargis au mois de mars de l'année suivante et a disparu. Je n'ai jamais revu Gérard et dominique. Quand à rudy, j'ai perdu sa trace en 1970 alors qu'il partait élever des moutons dans le centre de la france ...
 

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 Un grand merci à ceux et celles qui ont suivi mon Aventure, épisode par épisode.

 

 

 

 

 

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